Catalogue - page 1

Affiche du document Angéline

Angéline

Michel Jeury

2h48min00

  • Littérature régionale
  • Livre epub
  • Livre lcp
224 pages. Temps de lecture estimé 2h48min.
Sous le Second Empire, dans le Périgord, une "demoiselle de compagnie" fait l'apprentissage de la vie 1857. Angéline, fille d'un forgeron républicain, est engagée par les Gardiency, "bourgeois éclairés" et bonapartistes prudents. Élevée dans la tradition républicaine qui vénère le savoir comme arme de l'indépendance, Angéline a le goût des romans et de la réflexion, la curiosité du monde et un bon sens solidement étayé par la volonté. Cependant, rien n'est plus dépaysant que cet univers où la plonge son emploi: dans une maison confortable et d'apparence sage, elle découvre les eaux troubles des secrets de famille, des haines anciennes, des rivalités politiques et des amours.Son arrivée chez les Gardiency déclenche, bien malgré elle, des jalousies et des passions jusqu'alors enfouies dans les silences de la bienséance bourgeoise. Robert Gardiency, le maître de maison, se veut un homme "moderne". Mais ses rapports avec sa mère et son épouse ne résistent pas à l'attirance qui le pousse vers Angéline. Alors qu'il se fait de nombreux ennemis parmi les habitants du Périgord qu'il veut convaincre de son idéal de progrès et d'hygiène, c'est à l'intérieur même de sa maison que le drame se noue. Angéline, amoureuse de lui autant qu'elle ose l'être, met sa vie entière à sa disposition.Dans un roman où fourmillent les détails réalistes sur une époque agitée et les personnages secondaires forts, Michel Jeury parvient à donner toute son ampleur humaine à la vérité d'un lieu autant que d'une période où se construisait la "France moderne". Une femme dans la soixantaine apparut, assez grande, les épaules larges, un visage étroit, anguleux, la peau tendue sur ses pommettes osseuses. Elle était vêtue d'une robe noire, allongée par la taille très haute. Elle se tourna vers moi et me toisa sans aménité.? Ah, c'est vous, Angéline? Il n'y a jamais eu d'Angéline ici. Mais il faut un commencement à tout!Sans doute, la douairière de Vaillac, cette Mme Henriette qui, selon marraine Clo, menait son monde au doigt et à l'œil et me ferait la vie dure. Je répondis sèchement que je m'appelais bien Angéline et que je ne comptais pas changer de prénom. Elle pinça un peu plus sa bouche serrée, puis releva sa lèvre supérieure en une moue de mépris.? Ça vaut la peine d'avoir des oreilles à la tête pour entendre une jeune fille pauvre parler sur ce ton!Je sentis le rouge de la honte et de la colère me brûler les joues. À mon tour, je pinçai les lèvres, retins la réplique que j'avais sur le bout de la langue. Elle frotta son nez pointu d'un long index, qui n'était qu'un os enveloppé de peau sèche. Puis elle secoua une bourse où tintèrent l'or et l'argent. Elle en sortit une pièce de dix sous, regarda la face de Napoléon comme si elle allait la baiser, en retenant un soupir, la tendit au valet qui avait porté ma malle.? Voilà pour toi, Félix. Tu peux t'en aller, maintenant. Cette jeune personne n'est pas une vraie demoiselle. C'est une paysanne un peu dégrossie qui se croit instruite. Elle est sûrement assez forte pour monter son bagage toute seule!Marraine Clo m'avait prévenue. "Tu boiras les affronts doux comme lait et tu feras mine d'avoir avalé ta langue!" Je regardai Mme Henriette en face.? Je ne me crois pas instruite, dis-je. Mais il est vrai que je suis une paysanne. Oui, je peux monter mon bagage toute seule!Mme Henriette se dérida un peu et je crus presque, une seconde, qu'elle allait sourire.? Nous verrons bien ce que vous êtes. Quant à moi, vous savez sans doute que je suis Mme Joseph. Mais on m'appelle familièrement Mme Henriette. Vous me direz "madame" tout court. Pour ce qui touche la maison et les gens, la nourriture, les vêtements, c'est moi qui tiens le timon et je veux tout à mon mot. Il en ira de même pour votre vie avec nous, vos obligations et toutes vos affaires. Ce midi, vous vous reposerez dans votre chambre, car vous devez être fatiguée. Marie-Petite vous apportera un bol de soupe et vous ne perdrez pas de temps pour vous installer. Emmanuel va vous conduire à la chambre verte, que je vous ai donnée.Elle joignit les mains devant sa maigre poitrine, on eût dit qu'elle serrait sa bourse sur son cœur. Puis elle me lorgna d'un air de pitié et de dégoût qui faillit me lever le cœur.? De toute façon, vous ne resterez pas longtemps dans cette maison, je vous le promets.J'ouvris la bouche pour répondre. Elle m'imposa silence d'un regard impérieux.? Enfin, vous ne suez pas de la figure. Et vos mains...Je plaquai mes paumes contre ma robe; elles étaient sèches et j'aurais pu les montrer, mais je refusai cette humiliation. Mme Henriette me tourna le dos d'un air de souveraine outragée, puis elle s'éloigna vers le fond du couloir, à gauche du vestibule, à petits pas, en balayant les carreaux avec la queue de sa robe.
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Affiche du document Le dernier certif

Le dernier certif

Michel Jeury

2h13min30

  • Littérature régionale
  • Livre epub
  • Livre lcp
178 pages. Temps de lecture estimé 2h13min.
En cette année 1962, la guerre d'Algérie s'achève dans les pleurs. De Gaulle réclame une élection présidentielle au scrutin universel et un monde nouveau s'ouvre où le certif ne peut survivre... À cinquante ans, l'institutrice Emma Béranger retrouve le village de Saint-André, lieu de souvenirs familiaux douloureux, et s'apprête à inaugurer une nouvelle année scolaire. Belle femme sensuelle et lucide, elle essaie d'affronter son âge et son veuvage avec sérénité mais voit le temps des possibles filer entre ses doigts... Même son métier est là pour le lui rappeler : cette année sera la dernière du certificat d'études. Un examen si précieux autrefois et si dévalorisé désormais qu'elle n'y présentera qu'une seule élève. Autre signe des changements qui s'opèrent en ces débuts d'années 1960, Paul Chabert, un " pied noir " riche et mystérieux, s'installe à Saint-André, bouleversant le village de par son passé et ses différences. Dès leur première rencontre, Emma pressent qu'avec ce bel homme tourmenté, elle pourrait bien réapprendre à aimer. Chez Michel Jeury, c'est toujours l'entrelacs étroit du réel historique, des désirs et des destins qui nourrit la verve romanesque d'une tendresse et d'un charme si particuliers. Comme dans les deux épisodes précédents, nous retrouvons cette justesse affectueuse et ironique avec laquelle il entraîne ses personnages dans un drame que seules leur rigueur et leur bonté permettent de surmonter. La Suzon Granier précéda Paul Chabert dans le couloir. Une épaisse bouffée d'obscurité entra derrière le visiteur. Le temps était couvert. À cinq heures de l'après-midi, la nuit tombait déjà. Paul Chabert serrait dans sa forte poigne un bouquet opulent, roses et œillets mêlés, de toutes les couleurs. On lisait sans entraves les pensées de la Suzon sur sa longue figure : " Crénom, que ça doit coûter bonbon, à cette époque de l'année, un bouquet comme ça ! Ah non, ça ne se fait pas chez nous, qu'un parent d'élève apporte des fleurs à la dame... " Et puis, après réflexion, son regard se radoucit : " Bah, on vous excuse puisque vous n'êtes pas du pays. C'est sans doute des coutumes d'Algérie. " Chabert esquissa une inclination du front : Mes hommages, Madame. Emma prit le bouquet. Elle fut sur le point de s'en débarrasser dans les bras de la Suzon. " Mes hommages, non, il se fiche de moi ! " Elle choisit de bouder son plaisir. Elle aurait apprécié une entrée plus discrète. Toute la commune saurait bientôt que le pied-noir avait offert une gerbe de roses à la maîtresse d'école. Elle ne pourrait plus passer la moindre peccadille à ses enfants, sous peine d'entendre les parents crier d'une seule voix à l'injustice et au favoritisme. Croyait-il éblouir par sa richesse la pauvre institutrice de campagne, plus très jeune ? Et dans quel but secret ? Bonjour, monsieur. Elle appuya sur "monsieur' aussi fort qu'elle put sans dépasser les bornes de la politesse. Mais pourquoi toutes ces fleurs ? Il répondit sur un ton gêné, maniant le bouquet avec une gaucherie presque comique. - Je les ai achetées à Marseille, à un jeune homme de mon pays, qui vient de s'installer sur le port, dans une cahute. À Oran, il avait un magasin deux fois grand comme votre salle de classe... enfin, je veux dire deux fois plus grand ! Emma rit de son embarras. La Suzon esquissa une sorte de révérence, avant de filer vers la porte à petits pas, en dandinant son maigre derrière. La Suzon, une révérence, on aura tout vu ! Paul Chabert resta figé et silencieux au milieu du couloir. Emma s'intima l'ordre d'être loyale avec lui. " Ce n'est pas parce qu'il est le premier homme depuis quinze ans à t'offrir des fleurs que tu vas lui faire la tête ! " Elle tendit enfin les mains pour prendre le bouquet. Elle le posa sur la commode du couloir, elle n'avait pas de vase en service, les dernières fleurs des champs étaient mortes et desséchées depuis longtemps. La vérité c'était que l'homme était beau, les fleurs étaient belles, l'attention était belle aussi et, comme une vieille gamine, elle avait envie de pleurer. Elle lui prit sa canadienne fourrée pour l'accrocher au portemanteau du couloir, mais ses mains tremblaient, elle lâcha le vêtement et le rattrapa de justesse. Blouson en daim, chemise de velours beige, assortie, il était toujours vêtu chic et cher. Cravate à rayures, bien nouée, pantalon rouille au pli impeccable, qui tombait exactement sur ses souliers en box noir, sans une tache de boue. Elle lui en voulait aussi de sa tenue. Elle s'en voulait à elle-même de n'avoir plus trente ans. Mais il ne devait pas s'en apercevoir. Jamais.
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Affiche du document La charrette au clair de lune

La charrette au clair de lune

Michel Jeury

2h07min30

  • Littérature régionale
  • Livre epub
  • Livre lcp
170 pages. Temps de lecture estimé 2h07min.
" Comme tous les ans, à la Saint-Michel, il faut prendre ses sabots et sa misère et les porter plus loin, et comme maman a honte de montrer son ménage sens dessus dessous, on profite du clair de lune pour emporter incognito le gros du chargement dans la charrette. " Les Taradel changent de métairie, une fois de plus. Ils vont passer l'année 1929 à Saint-Pierre-d'Agnac, Lot-et-Garonne. Cette année nous allons la passer avec eux. Avec Suzie, treize ans, qui veut percer son secret de famille, le secret du mariage de ses parents ; avec Pierrot, dix ans, et ses bonheurs d'enfance : la nature et les animaux ; avec Victor, le père au caractère tumultueux, qui s'accommode assez gaiement de son existence car il se croit toujours sur le point de trouver le havre de paix où il coulera des jours tranquilles. Avec Marie, enfin, la mère, qui rêve de devenir propriétaire en prenant à rente les terres de sa marraine...Les travaux de la terre, le soin des animaux permettent tout juste de survivre et rythment les saisons et les jours. Après une lune de miel avec le " proprio ", les conflits surgissent, comme toujours avec Victor. Les deux vieilles vaches des Taradel en sont le prétexte. Victor ne veut pas céder. Il ne cède pas non plus à Marie et refuse de devenir propriétaire. Il a ses raisons, que Suzie découvre peu à peu, en poursuivant son enquête. Victor est de nouveau " foutu dehors ". Il va se mettre en quête d'une nouvelle métairie, alors que Marie, pour le brusquer, s'installe chez sa marraine. Les deux enfants voient leurs parents s'affronter par la force et par la ruse. Lequel fera plier l'autre ? Le dénouement aura lieu en même temps que Suzie découvrira la vérité sur le secret de sa mère.
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Affiche du document L'oeuvre vive

L'oeuvre vive

Jean-Guy SOUMY

2h00min00

  • Littérature régionale
  • Livre epub
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160 pages. Temps de lecture estimé 2h00min.
Un petit village de la Creuse est bouleversé par l'arrivée d'un artiste de land art mondialement connu. Que vient faire cet Américain dans ce village d'une Creuse échouée sur les rives du présent ? Cet étranger arpente le pays et parsème les lieux de trucs à sa manière : quatre femmes de lierre et de feuilles faisant l'amour aux arbres dans les bois, une croix lumineuse sur l'étang, une ligne droite dans les champs... Ben Forester, qui s'appelait autrefois Benjamin Forestier et vivait au pays, est venu redessiner à sa manière le paysage de son enfance. Son projet artistique va bouleverser la vie des villageois...En s'appropriant leur espace, en détruisant l'immobilité de leur existence, Ben oblige les habitants à se remettre en question. Mais tous ne sont pas prêts à accepter l'éphémère, à se décomposer pour se recréer, à se dépouiller pour s'enrichir. Il suffit pourtant d'un rien pour que tout bascule. Bouleversée par ces étranges constructions, Elma apprend à revenir à la vie après la mort de son enfant. Estelle, la jeune institutrice, défie les bonnes mœurs pour plonger dans l'amour. Barthélemy, lui, choisit le passé contre le présent, jusqu'à la mort.Cette ?uvre vive impose avec maestria les délicatesses d'un écrivain aimanté par la terre de ses ancêtres et les exigences inventives du roman contemporain. On en sort ébloui et intrigué.
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Affiche du document La classe du brevet

La classe du brevet

Michel Jeury

2h12min00

  • Littérature régionale
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  • Livre lcp
176 pages. Temps de lecture estimé 2h12min.
L'après-guerre, l'école publique contre l'école privée: la peinture juste et pleine de sensibilité d'un univers cher à la mémoire collective. 1948, c'est l'année du nouveau brevet : le BEPC... À Réverac-du-Périgord, le cours complémentaire libre est une institution. Mais il y a aussi une école catholique. Une quinzaine d'élèves, la plupart refoulés du cours public, y suivent, sans trop d'espoir de réussir leur brevet, un enseignement inégal. Parmi eux, Rémi Lagrange.Rémi est le fils du facteur. C'est un rêveur, il parle peu et ses résultats sont médiocres... Ça ne l'empêche pas d'être l'ami du meilleur de la classe, Tommy, un fils d'industriel. Chez les parents de Tommy, les deux inséparables passent des heures à refaire le monde, à parler de leur avenir, des filles et d'Emma Bovary... Souvent la mère de Tommy, Zoé, se mêle à leurs discussions. Elle est belle et élégante. Rémi en est tombé amoureux.Malgré cela, sur les bancs de l'école, il se laisse circonvenir par une élève fraîche, rose et bien en chair, la jolie Gilberte. Elle n'est pas son genre. Mais elle dégourdie. Et elle l'initie aux jeux amoureux...Au cours libre, le professeur de français a donné à ses élèves un sujet de rédaction qui va chambouler la vie de Rémi. Celui que tous prennent pour un gentil benêt écrit (en pensant à Zoé) un si bon devoir que le professeur décide, avant de le noter et de le lui rendre, de s'assurer que Rémi en est bien l'auteur... La copie circule de main en main et finit par attiser la curiosité du cours public, qui n'a pas de très bons élèves en rédaction. Mais le prof de français l'égare... Qui a subtilisé cette copie? "Le mystère de la rédaction" est le sujet de discussion préféré de Zoé, Tommy et Rémi. Le reste du temps, ils parlent littérature. C'est pourquoi Rémi suggère à Zoé de remplacer le prof de français qui vient de démissionner... Elle accepte. Et c'est le moment que choisit le cours public pour proposer à Rémi, à sa grande horreur, de le reprendre dans ses rangs...
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Affiche du document Rendez-vous sur l'autre rive

Rendez-vous sur l'autre rive

Jean-Guy SOUMY

3h04min30

  • Littérature régionale
  • Livre epub
  • Livre lcp
246 pages. Temps de lecture estimé 3h04min.
Trois personnages... et des loups. À un moment dramatique de l'histoire de France, après Waterloo, les émigrés, de retour d'exil, font régner la "Terreur blanche" sur le pays. Face à eux, se dressent dans l'ombre les "carbonari" républicains... Gabriel Beaupérus, lieutenant dans la cavalerie impériale, rentre de cinq ans de captivité en Angleterre. Dépossédé par la famille d'Orgedeuil du château acquis par son père sous la Révolution, il jure de se venger. Mais quand il rencontre Irène d'Orgedeuil, il est subjugué par la beauté et la passion de son ennemie...La belle aristocrate l'entraîne dans de grandes chasses où il apprend l'art de la vénerie, art noble face à des nobles bêtes: il ne s'agit pas de tuer le loup mais de se surpasser en une traque à l'issue toujours douteuse. Jusqu'au jour où, au terme d'une longue poursuite, il voit le grand vieux loup qui leur a échappé sortir des bois: une gamine à l'air sauvage le prend dans ses bras, lui parle et l'emmène. Dès cet instant, le destin de Gabriel bascule. Avec la fantasque et insupportable Charlotte, il découvre le monde secret et merveilleux des loups, qu'ils rejoignent chaque nuit au fond des bois. Un temps d'exaltation, d'allégresse: le sentiment de pénétrer une part du monde refusé aux autres, une entente profonde avec le monde sauvage...Oubliée la terreur ancestrale, le loup est désormais une figure majeure de l'imaginaire contemporain. Il est le héros de cette superbe aventure romanesque. Tout d'abord Gabriel ne vit rien. Il réalisa seulement que Charlotte avait lâché sa main. Et puis deux yeux apparurent dans les ténèbres. Deux yeux qui le fixaient, brillants, palpitants, deux trous d'une lumière boréale crevant la nuit. Gabriel soutint ce regard placé à hauteur de son visage dans la pente qui le surplombait, à une distance qu'il était incapable d'évaluer. D'autres yeux verts à reflets ambrés, tous différents, tous porteurs d'une attention impitoyable.- Ne reste pas debout, murmura Charlotte. Mets-toi à genoux.Le chevau-léger obéit. Mais son mouvement fut trop brusque et les yeux fondirent dans l'obscurité. Ou peut-être se confondirent-ils aux étoiles qui perçaient le ciel. Charlotte s'avança de quelques pas. Elle paraissait soudain inquiète. Faisant signe au jeune homme de demeurer immobile, elle se tourna dans la direction où s'étaient évanouis les regards. Gabriel la vit prendre sa respiration. La jeune fille poussa une longue plainte. C'était une modulation qui étreignait le cœur, le ventre, chavirait toutes les certitudes, bousculait tous les ordres. Gabriel sentit les poils de ses bras se dresser. Qu'il en avait entendu, pourtant, des plaintes de cette sorte ! Quelque part là-bas, vers l'est, sans jamais savoir de quelles poitrines un souffle si étrange pouvait monter au cœur des forêts d'Autriche, de Hongrie ou de Russie. Charlotte poussa une seconde fois cette plainte qui ressemblait davantage à un sanglot qu'à un cri. Et les yeux réapparurent.- Ne bouge pas et reste à genoux, commanda-t-elle.Elle s'avança vers les ténèbres où brasillaient les étoiles et leur fit face. Gabriel l'entendit prononcer des paroles dans une langue qu'il ne connaissait pas et qui n'avait certainement jamais existé sur terre qu'en des temps où hommes et animaux avaient encore le pouvoir de se parler. La voix se tut. Gabriel vit avec stupéfaction confluer vers lui trois, puis cinq, et enfin huit loups. Le premier, le chef de meute était une louve, puissante, le corsage roux et gris, d'une souplesse qui renvoyait à une image insaisissable, fruit d'un rêve. La louve se retourna pour vérifier que ses compagnons convergeaient en ordre vers cet homme à genoux. À trois mètres de Gabriel, les loups firent cercle. Deux louvarts en âge d'attraper leur vie, bêtes d'une trentaine de kilos, au corsage qui rappelait celui de la grande louve, montrèrent les dents. Leurs crocs brillèrent, si blancs, si grands, que la main de Gabriel se porta sur le manche du poignard anglais qui ne quittait jamais sa ceinture. Comme s'ils avaient deviné son geste, les autres loups, à l'exception de la grande louve, grondèrent. Gabriel jeta un regard dans les ténèbres, guettant le retour de Charlotte. L'idée de se relever lui traversa l'esprit avant de réaliser que la position dressée lui vaudrait à coup sûr une attaque. Alors, découvrant, comme d'habitude en des circonstances ultimes, qu'il ne restait d'autre issue que le don absolu de soi, il desserra les doigts qui tenaient le manche de sa dague anglais et avança lentement la main vers la grande louve.Les deux yeux ambrés le fixaient intensément, essayant de sonder la part de droiture qui pouvait subsister en cet homme. Gabriel soutint ce regard qui embrasait le sien. L'idée le gagna qu'il était infiniment proche du fauve, que ce loup disait une part de lui-même qu'il n'osait s'avouer, que la séparation qui les rejetait dans deux camps ennemis était ténue et terriblement injuste. Une telle grandeur brûlait au fond de ces pupilles, de cette lumière qui n'existe que chez ceux qui sont allés au-delà de la peur. La louve retroussa les babines. Ses crocs luisaient à quelques centimètres de la main. Gabriel avança encore. Un seul coup de mâchoire et il savait son poignet tranché. Dans son dos, le reste de la meute marquait les signes d'une agressivité qui montait. Les deux louvarts claquaient des dents. Un vieux loup grognait sourdement, le front baissé et les oreilles jetées en arrière. Gabriel oublia Charlotte, la forêt, cette nuit qui le trouvait à genoux aux pieds de huit loups. La louve soudain s'avança vers lui, négligeant sa main, son bras. Elle passa à côté, le bouscula d'un coup d'épaule et disparut dans les ténèbres, suivie des sept autres, au moment où Charlotte réapparaissait comme par enchantement.
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Affiche du document Les affluents du ciel

Les affluents du ciel

Jean-Guy SOUMY

3h25min30

  • Littérature régionale
  • Livre epub
  • Livre lcp
274 pages. Temps de lecture estimé 3h25min.
Après "La Belle Rochelaise" (Prix des Libraires 1998),Jean-Guy Soumy continue de nous étonner par la richesse de ses intrigues, par la fougue de ses personnages. Aiguemont est un immense domaine au cœur du Limousin, entre Limoges et Uzerche. Sur lequel règne ? c'est dans les années 1873-1878 ? un grand notable, Pierre Sérilhac, homme à la fois débonnaire et autoritaire. Il y a trente ans, il a épousé (coup de foudre réciproque) une très belle et très fine jeune fille noble du Béarn: Clara, qui illumine l'austère château d'Aiguemont de son charme et de son intelligence. Ils ont eu trois enfants: François, Mathilde et Arnaud. François est raisonnable (c'est à lui que reviendra le domaine), Mathilde est raisonnable et passionnée, Arnaud est déraisonnable. C'est par lui que le désordre et le malheur entrent dans la famille. Dans la région comme à Paris, il fait mille folies, s'abandonne à tous les excès ? il est poète aussi (il y a, clairement, du Rimbaud en lui). Il subjugue sa mère, sa sœur, et même son père. Jusqu'au jour où, parce qu'il en a vraiment trop fait, celui-ci le chasse; Clara, atteinte dans sa chair, s'enfuit dans la nuit: on la retrouvera morte, mordue par un aspic, tout près d'un pavillon de chasse où Pierre et elle avaient connu le bonheur. Désespéré, se tenant pour responsable de sa mort, Pierre Sérilhac s'enferme dans le pavillon isolé, près de la tombe de Clara. Il abandonne la gestion du domaine à François. Dans le même temps se construit la ligne de chemin de fer du P.O. (Paris-Orléans), qui atteint les terres d'Aiguemont. Nul ne peut s'opposer à sa progression: les intérêts en cause sont considérables. Pierre Sérilhac s'y est résigné. Mais il y a deux lieux qu'il veut voir préserver: usant de son entregent, il obtient que la Roche Sauvagnat ne soit pas coupée par une large tranchée, mais il ne peut empêcher qu'un viaduc ne frôle pas la tombe de Clara. L'ingénieur Paul Nordling, maître absolu sur le chantier, s'irrite fort des obstacles que Pierre Sérilhac dresse devant lui. Si François favorise le grand projet, Mathilde, par fidélité à son père, par orgueil, défie l'ingénieur. Et c'est ainsi que ces deux êtres de grand caractère et de passion se découvrent, et que l'amour naît entre eux ? amour tumultueux, violent. Les travaux avançant, les piles d'un pont commencent à s'élever tout près de la tombe de Clara. Et l'on met au jour les traces d'une voie romaine devenue l'un des chemins de pèlerinage vers Saint-Jacques de Compostelle, et la route même qui menait, en Béarn, aux terres d'origine de Clara. Alors, Pierre Sérilhac, las et désespéré, part sur cette route, seul...
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Affiche du document Les chiens sauvages

Les chiens sauvages

Michel Peyramaure

3h12min45

  • Littérature régionale
  • Livre epub
  • Livre lcp
257 pages. Temps de lecture estimé 3h13min.
Les " chiens sauvages ", ce sont ceux que l'on appelait les Croquants, en Périgord. Simples paysans que la misère poussa à la révolte... L'action se joue dans une région familière à Michel Peyramaure : le Périgord blanc, entre Brantôme, Périgueux et Bergerac ; à une époque qu'il connaît bien : peu après l'assassinat d'Henri IV, sous le règne de Louis XIII. Déjà, sous le règne d'Henri IV, des soulèvements populaires avaient secoué le Périgord lorsque s'abattaient de nouveaux impôts et que devenaient plus insupportables les exactions des soldats du roi cantonnés chez l'habitant. Dans les années 1635-1641, et toujours pour les mêmes raisons, une flambée de colère jeta les " croquants " sur les châteaux, les garnisons et les villes. Pauvrement armés mais résolus, ces paysans révoltés menaient des actions de guérilla sur lesquelles les forces royales avaient peu de prise. Cependant, en 1637, après que les croquants eurent investi Bergerac, l'armée de La Valette, gouverneur de la Guyenne, les écrasa à la bataille de La Sauvetat. Regroupés sous la direction de Pierre Grellety ? l'un des héros du roman ?, mieux armés, les croquants prirent leur revanche au cœur de la forêt de Vergt : deux cents gaillards mirent en fuite les deux mille hommes du roi. De revers en demi-succès, cela pouvait durer longtemps. Richelieu décida d'en finir : par la paix, non par la guerre. Il fit venir Grellety à Paris, le nomma capitaine d'un régiment et lui confia le gouvernement d'une place forte française des Alpes, Vercelli, du côté de la vallée d'Aoste ! Et c'est ainsi que s'acheva, en 1641, la dernière révolte des croquants : intelligemment. Ces événements sont rapportés par Gratien Donnadieu, intendant du seigneur de Brantôme. Homme cultivé et avisé, Gratien, par ses fonctions mêmes, voit beaucoup de choses et de gens, d'un bord et de l'autre. Sous sa plume, c'est toute une société qui s'anime, des grands seigneurs aux simples paysans. Ainsi s'entrecroisent des destins, heureux, tragiques, toujours pittoresques ? et des histoires d'amour, bien sûr. Mieux encore : dans une pièce du château de Bourdeilles, où il loge, il découvre dans un coffre les manuscrits de Pierre de Brantôme, lui-même seigneur de Bourdeilles, oubliés là et promis à la destruction ; Pierre de Brantôme, le grand Brantôme, l'auteur des Vies des dames illustres et des Vies des dames galantes. Gratien Donnadieu plonge dans ce fatras, y met de l'ordre, place le tout en lieu sûr. C'est grâce à lui que l'œuvre de Brantôme a été sauvée. Ses " Vies " ne paraîtront qu'en 1665, alors que lui-même (Brantôme), était mort en 1614. Cet heureux événement, on le doit à Gratien Donnadieu, c'est-à-dire à Michel Peyramaure, conteur intelligent et malicieux de cette fresque périgourdine.
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